Clair de Lune [ PV Christa ]

La lune brillait, là-haut dans le ciel. C'était une de ces nuits où on a l'impression que le temps s'est arrêté. De là-haut, les étoiles, gardiennes d'un autre monde, brillaient de mille feu. Personnes n'étaient là pour troubler leurs veillée silencieuse. Personne. Sur le lac, les reflets d'argent de l'astre formaient des sortes de colonnes invisibles. Le temps n'était pas couvert, le ciel s'étendait, très haut. Et il ne faisait pas trop froid. C'était une nuit formidable. Une nuit sans égale. Le temps n'avait aucune emprise. Une nuit pour les amoureux, pour les gens heureux. Ou triste. Comme l'était Lucas à cette heure.

Allongé dans l’herbe, seul, le visage du jeune homme était alors baigné de larmes. Il avait toujours pleuré en silence et en secret. Jamais devant les autres. Car il le savait, pleurer était un signe de faiblesse. Combien de fois l’avait-il entendu, cette petite phrase. Assez pour qu’il se cache lorsque la tristesse se faisait sentir. Comme ce soir. Il ne se retenait pas. Il ne pouvait pas. Pas de sanglots, pas de pleurnicheries. Juste … des larmes. Dans sa main, il tenait, séré, une lettre. L’encre avait coulé. C’était une lettre de son père. Comme si il avait eut besoin de ça …

Ce qui était dit dans cette lettre était très simple. Des mots que Lucas avait pourtant déjà entendus. Il y a longtemps. Le soir ou Jack était partit. Quand il l’avait placé à Jordan’s Collège, aussi. Tant de fois. Il avait crut avoir l’habitude, depuis le temps. Il avait crut que ça ne le touchait plus depuis longtemps. Il avait eut tort. Les mêmes mots de haine, de déception, qui lui faisait toujours aussi mal. Comme une éternelle blessure qui se rouvrait à chaque fois. Qu’il prenait plaisir à rouvrir. Il en était sûr. Que ces mots lui fassent du mal lui faisait du bien, à lui.

Espèce de pourriture … ça te plait de ma gâcher la vie, hein ?!

Son père avait de nouveau frappé. C’en était presque devenus habituel. Mais, putain, qu’est-ce que ça lui faisait mal ! Toujours autant. Comme la première fois. Dites à un gamin de 6 ans qu’il vous déçoit. Que vous ne l’aimait pas. Qu’il est un faible, un poltron, un minable, un bon à rien. Dites le lui, le poing levé. Frappez le. Répétez le lui à 10, puis 13, 14 ans. Continuez à lui pourrir la vie. Vous lui ferez du mal, comme Lucas avait mal à ce moment.

Pleurer pour évacuer sa rancœur, son mal être. Pleurer pour arrêter la douleur. Lucas n’avait que ça. Sa voix s’éleva doucement.

JE TE HAIS ! TU M’ENTEND, PAPA ?! JE TE HAIS !

Papa. Une des rares fois où il l’appelait ainsi. Comme si il pouvait l’entendre. Et il restait ainsi, à pleurer. A avoir mal. Jusqu'à ce que …

… une voix retentit derrière lui.

« Je ne pensais pas te voir ici, Lucas. Et encore moins si tard. Ton pôpa ne t’a jamais appris à te coucher tôt le soir ? »

Une voix féminine, insistant sur son prénom et sur son père avec une incroyable moquerie. Elle était reconnaissable entre mille : Christa. Et bien que Lucas ne connaisse pas encore son nom, ce fut probablement ce qu’il pensa lorsqu’il entendit ces paroles résonner douloureusement dans ses tympans. Un genre de : « Oh nan ! Pas elle ! »

Christa avait prit l’habitude de venir ici, tard le soir, lorsque la nuit s’était installée. Elle aimait cette ambiance de calme, de plénitude … La lune, les étoiles … Elle voyait l’astre évoluer au fur et à mesure des nuits. Cette nuit-là, elle était inclinée de façon à ce que n’on voie qu’à moitié. Christa aimait ça … Comme beaucoup d’autres personnes. Cela la vexait un peu d’être aussi semblable mais les sentiments ne se contrôlaient pas. Un peu poète qui sait ?

Toujours est-il que normalement elle était toujours seule. Les autres obéissaient sagement au règlement de l’école disant que personne n’avait le droit de se balader la nuit dans les propriétés extérieures du lycée. Par conséquent, lorsqu’elle avait aperçut une silhouette assise près du lac, elle s’était stoppa net. Ses yeux, habitués à l’obscurité depuis le temps qu’elle était dehors, avaient reconnu la silhouette, aidés du rayonnement de la demi-lune. Tout de suite elle avait pensé à lui.

*Lucas …*

Oui, c’était bien lui. Cette mèche qui arrivait presque sur ses yeux, ce nez si reconnaissable de profil … Oh oh ! On allait s’amuser … Elle ne pensait pas le revoir si vite … Et c’est là que la phrase fusa. Rien de bien méchant en apparence, mais Christa savait bien qu’il s’était passé quelque chose entre le père de Lucas et lui. Elle ne savait pas exactement quoi mais faisait bien comprendre à Lucas qu’elle pensait qu’il n’était qu’un petit gosse de riche, pourri gâté etc alors qu’en fait, il n’en était rien.

Bref, elle attendait la réaction de son cher Lucas. Ah oui ! J’ai oublié de vous préciser une autre provocation dans les paroles de Christa. Moins grave bien sûr, mais provocante quand même. Elle savait son nom et lui, ignorait le sien. « Posséder » l’identité de quelqu’un était quand même une force face à lui. Chris’ faisait en sorte de lui faire regretter de s’être présenter aussi hâtivement.

Elle n’avait pas entendu le cri de Lucas. Elle savait à quel point la douleur était violente puisqu’elle avait vu l’état dans lequel ça l’avait mis. Exactement comme elle …

Mais elle ne semblait pas mesurer le risque. Sûrement parce les sentiments de Lucas ne se concrétisaient pas assez.

Toujours est-il que la réaction qu’elle attendait risquait d’être tout autre …

« Je ne pensais pas te voir ici, Lucas. Et encore moins si tard. Ton pôpa ne t'as jamais appris à te coucher tôt le soir ? »

Cette voix résonna aux oreilles de Lucas comme une sorte de glas. Froid, un son lourd, épais. Quelque chose qu'il n'avait pas envie d'entendre. Qu'il ne voulait pas entendre. Quand à la personne qui avait prononcés ces mots, il savait très bien de qui il s'agissait. Une moquerie, tintée d'un petit goût de revanche. Le jeu venait de recommencer. Sans que Lucas le sache. C'était ça, le problème, quand on était à terre: on était vulnérable. Tout comme lui ce soir là. Est-ce qu'elle les voyait, ses larmes ? Non. Il faisait trop sombre, et elle était encore trop loin. Mais il savait bien qu'elle finirait pas s'en apercevoir. Peut-être le laisserait-elle tranquille ... mais il n'y croyait pas. Ce n'était pas dans le genre de l'inconnue.

Pour l'instant, pas mal de questions se bousculaient dans sa tête. Qu'est-ce qu'elle venait faire ici ? Qu'attendait-elle de lui ? Qu'il lui renvoie l'ascenseur ? Il n'avait pas la tête à ça. Les larmes continuaient de couler, sans qu'il puisse, ou même ne veuille les arrêter. Pourquoi ? Pour elle ? Pour sa fierté ? Qu'ils aillent au diable. La lettre, encore serrée dans sa main, lui rappelait trop de choses encore. Et si il ne répondait pas, elle partirait ? Ou bien elle viendrait, rien que pour le tester ? Mais est-ce que c'était vraiment important ? Ce qu'elle pensais, ce qu'elle disais ... Est-ce que ça avait eut un jour une quelconque importance ? Et les mots de son père, alors ... c'était la même chose.

Ce soir, sous la Lune, Lucas était différent. Il n'avait pas envie qu'on le respecte, qu'on le craigne. Il voulait juste ... être seul. Continuer à chialer comme un gosse. Et s'endormir là, dans l'herbe, sans personne pour le déranger. Pour se réveiller au petit matin, transis de froid. Et se dire qu'après tout, la vie n'est pas si terrible. Mais visiblement, même ça, on ne lui accordait pas.

« Qu'est-ce que tu fous là, toi ?! Dégage ! »

Ton où se mélangeait l'agressivité et la haine, la colère, le chagrin et le regret. Il n'arrivait même plus à cacher ses sentiments. Sa voix le trahissait. Il se haïssait. Mais il ne pouvait pas faire autrement, car plus rien ne lui obéissait, maintenant. Il n'avait même pas relevé ses paroles. Car, franchement, quelle importance ? Il voulait juste dormir. Sombrer dans ce grand guérisseur qu'était le sommeil. Et oublier. Tout oublier ...

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